Comment un instrument exceptionnel devient un objet culte pour les guitaristes du monde entier.
Miss Daisy était jusqu’il y a peu un instrument de rêve, rarissime et désirable, mais anonyme.
Depuis sa récente acquisition par Jean-Pierre Danel, la désormais fameuse Stratocaster 1954 du créateur de Guitar Connection a gagné un patronyme et accédé au rang de star des guitares de collection.
Danel, en liant le destin de celle qu’il a baptisé « Miss Daisy » au sien, a fait basculer cet instrument d’un état de pièce de musée à un statut d’objet mythique que Fender qualifie de « merveille ».
Association de bienfaiteurs
Lorsqu’une guitare rare et précieuse se retrouve dans les mains d’un guitariste de renom, elle acquiert d’un coup une aura particulière. Si Danel n’a pas bouleversé l’Histoire mondiale de la guitare à la façon d’un Hendrix ou d’un Van Halen, il occupe un statut bien spécifique, en ayant su assurer avec succès le lien entre une tradition qui est la base du patrimoine de la guitare, et une approche moderne de la transmission du savoir musical et pratique.
Au-delà de son talent propre et d’une réputation flatteuse, il a créé l’évènement avec ses Guitar Connection, et ces opus sont désormais la matière pédagogique première d’une nouvelle génération de guitaristes… et aussi les exercices douloureux des plus anciens, à qui ces disques, acclamés à la fois par le public et la critique, ont donné envie de se remettre au travail.
Symbole d’un guitar hero à la française, mais reconnu et respecté au pays du rock et du blues, Danel reçoit des milliers de demandes de conseils musicaux mais aussi des questions concernant les guitares elles-mêmes : comment les choisir, comment les régler, comment les dater, etc.
Ayant écrit un livre et divers articles spécialisés sur son modèle de guitare fétiche, la Stratocaster, il fait autorité en la matière.
Alors, bien entendu, quand il a un coup de cœur pour une guitare qui est à la fois un instrument parfait, mais en plus un rarissime objet de collection, dont seules quelques stars internationales, collectionneurs fortunés, et musées de haut rang peuvent s’enorgueillir de posséder un des quelques exemplaires, la guitare en question prend alors une dimension nouvelle.
Avec son nouveau compagnon, elle entame une seconde vie, loin du silence des collections où elle reposait depuis des années. Avec son nom de baptême, elle acquiert une réelle identité.
Et, comme si ça ne suffisait pas comme ça, en guise de cerise sur le gâteau, ce nouveau propriétaire l’a mise pour quelques heures entre les mains d’une légende vivante de l’instrument : Hank Marvin !
Dans la presse spécialisée, sur le net, on s’enflamme depuis quelques temps à propos de Miss Daisy. On parle de l’une des toutes meilleures Stratocasters jamais produites, équivalent plus rare et objet plus intègre que la fameuse Blackie de Clapton (formidable instrument, mais qui était un mélange trafiqué entre trois guitares, et donc pas une pièce pour collectionneur intransigeant). Nul besoin pour Danel de démonter trois Strats pour faire une synthèse du meilleur de ce modèle emblématique. Miss Daisy semble avoir tout : rareté et qualité(s). Un de ces instruments d’exception, qu’on ne croise qu’une unique fois dans une vie de musicien. Et un morceau d’Histoire… L’une de ces quelques guitares qui déclenchèrent l’ouragan Rock’n’Roll dans une Amérique qui ne réalisait pas encore que cette petite soixantaine de Fender Stratocasters, encore au stade de pré-production, allait devenir l’une des icônes du siècle.
La Stratocaster a révolutionné la guitare électrique. Elle mis quelques petites années à s’imposer, pour devenir le modèle le plus reconnu et le plus vendu de tous les temps. Un mythe à elle seule, qui a su, par sa polyvalence et ses innovations majeures devenir la référence ultime.
Chronologiquement, Buddy Holly, Hank Marvin, Dick Dale, Eric Clapton, Jimi Hendrix, Jeff Beck, Mark Knopfler, Stevie Ray Vaughan, et des millions d’autres, ont jalonné le parcours de cet instrument sans équivalent, qui a su s’adapter au rock, à la country, à la pop, à la funk, au disco, au métal, au grunge, au jazz, à la variété, et qui a traversé brillamment la seconde moitié du XX ème siècle et reste en tête du peloton des ventes en ce début de second millénaire.
Le prix de l’exception et de la rareté
Beaucoup a déjà été dit et écrit sur Miss Daisy et son parcours, son départ d’une vitrine de collectionneur japonais, jusqu’à son arrivée en France, qui créa l’évènement il y a peu.
Une guitare si rare, si précieuse et si exceptionnelle, qu’elle devient un fantasme pour tout guitariste dès qu’elle sortit de l’anonymat où ses précédents et jaloux propriétaires l’avaient volontairement confinée.
De quoi faire tourner la tête de tous les amateurs de Strats à travers le monde (et ils sont quelques dizaines de millions), et faire valser les chéquiers… De quoi hésiter aussi : Miss Daisy, une maison à la campagne ou la dernière Ferrari ? C’est le même prix !
Mais la passion ne se commande pas. Pour un guitariste, l’amour musical de sa vie n’a pas de prix.
« Pour paraphraser Sacha Guitry, je dirai « Je la voulais à n’importe quel prix… Et c’est exactement à ce prix-là que je l’ai eue ! ».
On sait aussi que Danel a intelligemment et longuement négocié, et finalement réglé une partie du prix colossal sous forme d’échange commercial. Est-ce par souci d’économie ou par un sentiment d’indécence face aux tarifs devenus délirants des quelques Fender présentables survivantes des 50’s ?
« Ca n’était pas vraiment une question d’argent, car elle n’était pas à vendre à priori… Elle faisait partie du show room d’un collectionneur/revendeur japonais qui présentait quelques modèles exceptionnels. C’était plutôt une question de savoir ce qu’elle allait devenir, si elle aurait un destin digne de son rang… Si elle sortait de sa vitrine, il fallait que les amateurs en profitent encore malgré tout, et qu’elle joue plutôt que d’être à la retraite, qu’elle vive, que les aficionados puissent y avoir un certain accès... Et puis franchement, ça n’est pas une question d’économie, mais de bon sens : mettre de telles sommes dans une guitare me paraît tout de même un peu déplacé, quelles que soient ses qualités, quand on sait les difficultés que rencontrent tant de gens. Mais encore une fois, le débat ne portait pas que sur l’argent. Mais sur la démarche d’ensemble. Le propriétaire préférait moins d’argent mais une garantie que la guitare vivrait une nouvelle jeunesse, plutôt que d’être exposée en vitrine. Il était donc finalement possible d’acquérir cette guitare, de payer un peu moins que sa valeur supposée en déclenchant quelques projets professionnels à son sujet, et il devenait envisageable de profiter pleinement de cet instrument merveilleux, alors ça aurait tout de même été idiot… ».
A vendre, peut-être donc, mais pas à n’importe qui… Et payer moins, oui, si on est une référence de la guitare et que l’on a d’autres choses, qui ne s’achètent pas, à proposer en échange marchandise… Projet de dvd sur l’histoire de la Stratocaster, avec une section spéciale sur Miss Daisy, et son utilisation prochaine sur disque.
A ce niveau, l’argent n’est plus l’unique motivation.
Quoi qu’il en soit, la côte d’une Stratocaster de 1954 est très officiellement établie : un modèle de série en mauvais état, reverni et trafiqué côte déjà un minimum de 35 à 60 000 Euros (quand on en trouve, c'est-à-dire tous les cinq ans !). Un modèle en état moyen mais d’origine vous en coûtera bien davantage, environ 75 à 120 000 Euros, et un instrument absolument irréprochable et « mint » atteint 140 000 Euros. Mentionnons aussi l’une des quelques Stratocasters « custom color » connues (la bleue en l’occurrence, et il exista aussi une noire, une « desert sand » et une Fiesta Red, plus un prototype personnel en Sunburst ondé, appartenant à George Fullerton, associé de Leo Fender), qui s’est récemment vendue 250 000 Dollars, par ce même spécialiste japonais qui a confié le destin de Miss Daisy à Jean-Pierre Danel.
Tout dépend aussi de savoir si la Stratocaster en question est datée d’avant le 13 octobre 1954, soit d’avant la mise officielle en production du modèle. En effet, tout modèle précédent cette date est un modèle de pré-série, ce qui augmente encore sa valeur.
Miss Daisy n’est pas une « custom color », et indéniablement pas absolument irréprochable : vernis usé – mais quel charme supplémentaire ! – et quelques petites parties plastiques mineures d’époque certes, mais pas absolument d’origine. Et puis, la housse est charmeuse mais bien vieillie par le passage du temps.
Mais elle est par contre l’une des très rares Strats de pré-série connues. 60 à 70 guitares sur les 268 produites cette année-là….
Alors, Miss Daisy n’est peut-être pas une guitare dont le prix était absolument garanti d’atteindre les fameux 140 000 Euros lors d’une vente internationale (soit la côte la plus élevée atteinte jusqu’ici, hors « custom color »), comme on a pu le lire…quoi que ! Ses usures auraient peut-être bien fait baisser sa valeur de 15 à 20% - du temps révolu où elle était encore anonyme. Elle est plutôt un instrument de musicien passionné que de collectionneur totalement maniaque. Mais elle est si rare qu’elle aurait côté 110 à 120 000 Euros à coup sûr. Quand même…
Mais de toutes façons, la question n’est plus posée, car son histoire récente a fait exploser cette côte… Sauf que :
« La Miss n’est pas à vendre ! » nous confirme l’heureux Danel.
Mythe et divinité
Son bonheur sincère fut partagé fin juin par un monstre sacré, mythe de la guitare électrique : Hank Marvin. De passage à Paris, le premier guitar hero européen a passé quelques heures chez Danel à essayer jusque tard dans la nuit cet instrument fascinant. Danel lui en avait montré une photo et un descriptif par email, déclenchant la surprise et l’intérêt du guitariste des Shadows, qui fut le premier à posséder une Strat en Europe (en 1958) et grâce au succès duquel le coloris Fiesta Red est devenu la teinte Fender la plus vendue au monde.
Les courtes vidéos et la quinzaine de photos de Marvin jouant sur Miss Daisy dans le loft parisien de Danel sont venues ajouter un éclat supplémentaire à la légende de l’instrument, et elles ont instantanément fait le tour du monde via Youtube et autres sites du même type.
« Hank a adoré le manche, le confort de jeu, le look et le son de Miss Daisy. La richesse et la profondeur des graves, l’éclat des aigus, la modernité des positions intermédiaires. Et puis il y a la rareté de l’objet lui-même… Il n’avait jamais joué sur un modèle si ancien. Il a une ’57 et ses célèbres ’58, mais, comme moi et la plupart des guitaristes, il n’avait jamais vu une ’54 autrement qu’en photo. Il m’a rappelé quelques jours plus tard et m’a redit de prendre grand soin de Miss Daisy !»
Chapeau bas !
Depuis son arrivée le 4 mai 2007 à Paris, Miss Daisy a eu les honneurs de plus d’une vingtaine d’articles.
Que ce soit dans le Fender Magazine, dans le mensuel Guitar Live, sur des sites web internationaux spécialisés, ou même généralistes (comme France 2 dans notre pays), Miss Daisy a une solide réputation.
Désormais aux mains d’un propriétaire qui est loin d’être n’importe qui, ayant été jouée qui plus est par un guitariste historique, saluée, étudiée et valorisée en grandes pompes par Fender dans les pages de son magazine officiel, évaluée musicalement par des spécialistes réputés, enregistrée, photographiée et filmée sous toutes les coutures, étalée dans la presse et sur le net depuis son acquisition par Danel, Miss Daisy a acquis un statut à part, une image médiatique, et elle est désormais une référence et un fantasme. Elle est entrée dans le cercle très fermé des quelques guitares célèbres, de celles que l’on cite comme l’on conte les légendes.
Aux USA, le très respecté site web Wikipédia, la plus grande encyclopédie multimédia du monde, lui consacre, dans plusieurs langues (dont le français), un article complet, et la liste parmi une douzaine de guitares de légende, aux côtés des instruments de Clapton, Hendrix ou des Beatles ! Une renaissance en fanfare !
« C’est assez curieux – mais très sympathique ! – de voir la flopée d’articles qui ont été consacrés à Miss Daisy en quelques temps, sans que je sois demandeur de quoi que ce soit… En France, en Angleterre et aux USA surtout. Mais j’ai aussi reçu des emails d’Australie et même de Chine à son sujet ».
Sous les jupes de la Miss
On sait hélas peu de choses de la longue histoire de Miss Daisy. Peut-être ignore-t-on quelque détail qui lui confèrerait plus encore de valeur ou d’intérêt. A défaut, on peut toujours se prendre à rêver…
Ce qui est certain c’est que son manche est signé par le très illustre Tadeo Gomez, le légendaire artisan luthier qui signa les manches des Fender les plus mythiques. Ses seules initiales au bas d’un manche de Strat ou de Telecaster garantissent une valeur et une qualité qui font directement entrer l’instrument dans la cour des grands.
Juin 1954 est la date qui figure avec ces initiales. Ce qui fait donc de Miss Daisy l’une de ces guitares de pré-productions qui sont les plus mythiques et recherchées. Les premières guitares de cette pré-série datent d’avril de cette même année, et se terminent mi-octobre environ. La production commença par deux commandes de 100 guitares chacune, le 13 octobre 1954.
Comme souvent, la date du corps n’est pas exactement la même que celle du manche. En effet, à cette époque de pré-production plus que limitée, les pièces étaient faites une à une, et le manche ou le corps attendait souvent quelques semaines que son complément soit terminé avant que les deux se retrouvent associés, formant ainsi la guitare finale. La date indiquée dans la cavité où se trouve fixé le manche est juillet 1954. La date figurant dans une des cavités du corps est le 17 juillet 1954.
Le numéro de série est le 0585 (et non 0582 comme indiqué dans le magazine Fender). On trouve des Strats ’54 numérotées 0001 (mai ’54), 0007, 0012, 0022 (juillet), 0033, 0100 (avril), 0179 (octobre), 0595, puis dans les nombres 0700, mais aussi 07000, 5000 ou même 7000.
La « custom color desert sand » (blanc cassé) de David Gilmour porte le mythique N°0001. Mais la guitare « custom color fiesta red » de Pee Wee Crayton arborait également ce même numéro dit-on…
La première Strat fabriquée, selon l’usine Fender, porte le numéro 0100, sur la plaque plastique du vibrato…
Forrest White, directeur de l’usine Fender à cette époque, a tujours très clairement spécifié que toute Stratocaster datant d’avant octobre 1954 est de toutes façons un modèle de pré-production.
Les parties plastiques de Miss Daisy sont d’origine, sauf les trois boutons, les cache-micros et le plastique du sélecteur de position de micro, qui datent tous de 1955 ou 56 (les originaux, en bakelite, ayant dû s’user et casser très vite, comme ce fut le cas de la plupart de ces premières guitares).
Les potentiomètres indiquent une référence « 304 435 », correspondant à ces premières Stratoscaters.
Le corps porte beaucoup de marques d’usure. Certaines, assez habituelles, sont situées sous le poignet le coude du bras droit des guitaristes ayant utilisé la guitare, ou au dos du corps (les ceintures font beaucoup de dégâts sur ces vieux vernis !). D’autres sont moins banales, comme les marques de part et d’autre du profil de la caisse, comme si la guitare avait été fortement serrée dans un étau.
Surtout, ce corps en frêne (et non en aulne) comme ce fut le cas pour ces premiers modèles, est fait d’une seule et unique pièce. Outre son bel aspect veiné, cette rare particularité confère à l’instrument une qualité de résonance et de propagation des ondes vibratoires bien meilleures qu’à l’accoutumée. Cela se ressent même sans la brancher dit-on.
Le vernis « sunburst » deux tons (la couleur standard de chez Fender pour la Strat) est ici d’une variante ambrée qui n’est pas la plus répandue (le jaune dit « Canari » est de loin le plus courant, même si la version ambrée se rencontre de temps à autre).
La guitare est entièrement d’origine, à l’exception des quelques parties plastiques mineures citées plus haut. Son état semble indiquer qu’elle a beaucoup été jouée, mais son manche reste cependant en bon état, et ne nécessite pas de revernissage pour le moment.
Le logo de la tête du manche a toutefois été remplacé quand la face avant de celle-ci fut revernie (on ignore pourquoi…). Mais c’est la seule (petite) partie où le vernis fut refait.
Il est hélas impossible à ce jour d’en savoir davantage sur le passé de Miss Daisy. Même son propriétaire, qui indique avoir fait les recherches possibles, ne sait pas grand-chose :
« Elle était dans un show room de guitares d’exception à Tokyo depuis 2005. J’ai négocié son achat depuis cette date, alors que la guitare n’était pas spécifiquement proposée à la vente. Elle était précédemment dans une collection privée à Osaka, depuis sept ans. Bien entendu, à un moment ou à un autre, elle s’est avant cela trouvée aux Etats-Unis. Mais je n’arrive pas à remonter dans le temps pour dénicher des détails. Ce fut de façon certaine en tous cas une de ces quelques guitares livrées à des magasins ou confiées à des guitaristes, dans le but de faire connaître ce nouveau modèle et de déclencher les premières commandes.»
A la une
Quoi qu’il en soit de son histoire, c’est le présent de Miss Daisy qui défraie la chronique désormais.
Outre la réputation de son propriétaire et le fait que cette guitare sera bientôt entendue sur des albums importants, sa présence sur le vieux continent est également un évènement en soi. Si on sait qu’il en existe en Grande-Bretagne (celles de feu George Harrison, qui lui fut offerte par Eric Clapton, celle de Mark Knopfler, nommée « Jurassic Strat », et celle de David Gilmour), Miss Daisy semble bien être la seule rescapée intègre du millésime 1954 au pays de Molière.
Aux Etats-Unis, on sait qu’Eric Johnson en possède une. George Gruhn, le plus réputé des revendeurs du pays (fournisseur notamment d’Eric Clapton), en proposa deux à la vente, l’une en 2001 et l’autre en 2004, et une ou deux autres furent également vendues par d’autres grands spécialistes. Elles figurent désormais dans des musées ou dans de prestigieuses collections privées.
Au Japon, dont les collectionneurs ont dévalisés les boutiques américaines dès les années 70, on peut tout de même en trouver de temps à autre chez les meilleurs spécialistes. A des prix prohibitifs…
Reste donc qu’il est plus que rare d’avoir une telle guitare sous les yeux, et plus encore, entre les mains.
Le très officiel Fender Magazine consacre deux pages à Miss Daisy dans son numéro de juillet 2007, qui est en prime distribué gratuitement en supplément du magazine Guitariste.
On pourrait croire qu’il est logique que la marque californienne encense Miss Daisy. Il n’en est rien. Fender a au contraire pris soin de contrecarrer depuis longtemps la légende des guitares vintage, qui font exploser le marché de l’occasion (sur lequel Fender ne touche rien !) au détriment des modèles neufs. Pour vendre ses guitares actuelles, il est généralement de bon ton de dire que les modèles anciens sont maintenant rattrapés par leurs ré-éditions actuelles, qui ont le flagrant avantage d’être jusqu’à 100 fois moins chères ! Il reste d’ailleurs vrai que ces guitares modernes fabriquées à la façon des anciennes sont excellentes.
Mais à l’impossible nul n’est tenu, et, concernant Miss Daisy, l’organe officiel de la marque n’a d’autre choix que de la qualifier d' « exceptionnel instrument » et de « merveille », et d’ajouter : « Il nous est malheureusement impossible de vous faire écouter les incroyables harmoniques du micro aigu, la profondeur et la clarté intense des basses du micro grave, le tranchant du micro middle, la sensation physique du corps de la guitare vibrant pendant un riff… Il me reste à vous souhaiter, ne serait-ce qu’une fois dans votre vie, de pouvoir jouer quelques notes sur une guitare comme celle-ci. ». Le luthier officiel de la marque nous dit encore « J'ai l'immense honneur de vous présenter dans ces pages Miss Daisy. Soyons francs, cela fait 20 ans que je règle et torture des guitares, celle-ci fait partie du « Top 2 » des meilleures sur lesquelles j’ai eu le bonheur de travailler ». On sait que l’autre est une Gibson Les Paul 1959.
Evidemment, tout cela attire l’attention. Miss Daisy fait donc l’objet de précautions particulières, mais elle est désormais trop connue pour avoir une valeur intéressante en cas de vol. Quelqu’un qui n’y connaîtrait rien la considérerait comme un vieil instrument râpé, et un connaisseur saurait bien qu’il ne pourra même pas la sortir de son étui…
Reste maintenant à voir comment va se comporter la Miss sur disque. On sait que Danel a annoncé une suite à ses Guitar Connection. Le rendez-vous est fixé pour 2008…
Voilà ce que l’on peut dire en l’état sur cet objet de rêve, qui entretient le mythe d’une saga commencée il y a 53 ans déjà.
Parmi les quelques guitares qui ont accédé au statut de légende, la plupart furent les compagnes de musiciens internationaux et mythiques. Il y a fort à parier que beaucoup n’étaient pas meilleures que les autres, mais le fait d’être entre des mains illustres, et d’être superbement utilisées, leur donna l’aura qu’elle ont désormais.
Miss Daisy n’appartient pas tout à fait à une star mondiale, mais à un musicien internationalement respecté et reconnu, qui, par sa passion de l’instrument, a sorti de sa vitrine figée une guitare absolument exceptionnelle, et lui a rendu la vie. Une histoire d’amour !